Bouna, loin des contes de fées, raconte de vraies histoires
Les visages d'Aurore
Bouna est arrivé en France pour des raisons médicales en juillet 2018. Atteint depuis l’âge de 16 ans d’une maladie chronique évolutive, il fallait impérativement qu’il rejoigne la France afin d’être soigné. Les années passées au Sénégal, sans les soins adaptés, lui ont déjà causé des séquelles. Tout s’est très vite organisé de son pays natal : l’hôpital St Joseph a pu le recevoir et le soigner mais cela n’aurait pas été possible sans l’aide de sa famille, qui a dû vendre une partie des terres pour ses frais d’hospitalisation. Il fallait qu’il soit opéré « le médecin m’a dit, reste et soigne ta maladie ! ».
Une jeunesse Dakaroise
Bouna a grandi dans un village du Sénégal, il espérait alors, poursuivre ses études mais en grandissant son état de santé le permettait de moins en moins « A un moment, ce n’était plus possible, le village était trop loin de l’école ». Son cousin l’aide alors, à préparer son Bac, il n’a pas le diplôme mais part pour Dakar, où il est parvenu malgré cela, à intégrer l’Ecole des Arts Numériques et de la Communication, il obtient une Licence pro.
« C’est là que j’ai découvert le cinéma, je me suis spécialisé dans le documentaire ».
Après cette Licence, Bouna a travaillé dans plusieurs sociétés de production, jusqu’au jour où, il trouve un appareil photo qu’il utilise pour faire des photos de mariage, de différentes cérémonies « Cela marchait pas mal et avec cet argent j’ai pu créer une petite société de production ». La petite entreprise proposait les mêmes thèmes « Mariages, évènements, suivis d’hommes politiques ou personnes issues de la société civile » nous raconte Bouna.
Le mirage
Lorsqu’il arrive à Paris, il est donc hospitalisé, les médecins lui prodiguent les soins nécessaires. A sa sortie, Bouna constate l’adversité traversée par les migrants : d’hébergements en colocation, jusqu’au Secours Populaire, il découvre aussi la rue « Je n’avais pas froid c’était au mois de Juillet » nous confie Bouna.
Il est accueilli au Secours Populaire par une bénévole, Gabrielle, qui deviendra une amie « il y a eu une confiance réciproque, elle prend de mes nouvelles chaque jour, elle est même partie au Sénégal et a pu rencontrer ma sœur ». C’est grâce à Gabrielle que Bouna arrivera jusqu’au Bastion de Bercy.
Très vite Bouna est frappé par ce que vivent ses compatriotes :
« Lorsque on est de l’autre côté de la Méditerranée ou de l’Atlantique, on ne pense pas qu’en France des gens dorment dehors, dans des CHU ou des foyers, c’est un mirage la France, c’est ça qu’on appelle un mirage ! De là-bas on ne voit pas cette dimension-là ! ».
Bouna explique alors que les gens qui, après quelques années en France, reviennent dans leur pays ne parlent jamais de cela mais semblent au contraire assez fortunés avec l’argent parfois gagné :
« Par exemple, vous savez ils reviennent avec 5 000 euros. C’est beaucoup d’argent : ils épousent la plus belle fille du quartier, achètent un terrain et en fait ils ne parlent jamais des conditions dans lesquelles ils ont réalisé ça, cela pousse les jeunes à venir ».
C’est sur ce constat, que Bouna, avec l’aide de Casera Productions, a entrepris la réalisation d’une série de portraits qui retrace les parcours des uns et des autres, de ceux qui ont migré en Italie, en Espagne, en France… Le portrait d’Omar fut le premier d’une série qu’il souhaite étoffer : « Nous allons aussi filmer des familles, des femmes isolées, je souhaite déconstruire ce qui est dit au pays et qui trompe les gens ». L’équipe espère réaliser 3 portraits avant l’été, qu’ils aimeraient présenter lors du festival « C’est pas du Luxe » en septembre prochain à Avignon.
Et le Conseil de Vie Sociale dans tout ça ?
Bouna, en plus de son métier de réalisateur, et de tous les projets qui l’animent, travaille aujourd’hui dans une école primaire comme surveillant. Plusieurs rencontres seront déterminantes pour lui, comme celle avec Karen qui l’a mis en lien avec l’Association des Commerçants du 12ème ou Art en Balade, pour qui il a aussi réalisé un petit film.
Alors, déjà bien actif, quand ses amis du Bastion de Bercy lui proposent de se présenter au CVS il est d’abord réticent, mais sous la pression des enfants il cède : « Ils envisageaient de m’accompagner pour faire ma campagne ! J’ai été élu comme représentant des hommes isolés ». Son rôle est souvent de remotiver les troupes pour participer aux activités proposées, de remettre du lien entre tous « Nous sommes les intermédiaires entre les résidents et l’administration. Nous faisons des propositions et si nous voyons des choses à revoir, nous les évoquons, et attendons les réponses. Ici les liens sont très forts ». Le CVS du Bastion de Bercy se réunit tous les 3 mois, il peut arriver que Bouna soit médiateur en cas de conflits entre résidents. Le Conseil de la Vie Sociale aide les résidents à cohabiter plus harmonieusement.
En raison de ses problèmes de santé, Bouna restera en France encore quelques années, et ainsi ira au bout de son rétablissement :
« Les choses commencent à se poser, je commence à revivre et ma vie devient plus normale. Même physiquement ça n’a rien à voir. Avant 2022, j’aurai peut-être une autre opération, je ne me plains pas, je ne me victime pas, je souhaite juste rendre à la France ce qu’elle m’a donné ».