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Des soins esthétiques à visée sociale

Les visages d'Aurore

Berline Nono Ndjopnou est agent d’accueil au CHU Marceau. Et elle est aussi socio esthéticienne. Berline a ainsi souhaité concilier ses compétences en esthétique et la dimension sociale d’Aurore en proposant aux résidentes de 4 centres d’hébergement d’urgence du territoire Paris Nord des ateliers socio-esthétiques. Berline nous raconte la genèse et la mise en place de ce projet.

Comment est né ce projet d’ateliers socio-esthétiques ?

Les choses se sont construites progressivement. Il faut remonter à mon arrivée en France en 2007. Je suis venue avec un objectif professionnel précis : devenir esthéticienne. Je n’ai pas pu réaliser ce rêve tout de suite, il a d’abord fallu que ma situation administrative soit régularisée puis j’ai été orientée dans la vente en parfumerie et cosmétiques, ce qui n’était pas tout à fait mon souhait de carrière. En 2012, j’ai enfin débuté mon CAP Esthétique, financé par Pôle Emploi, où j’ai pu effectuer de nombreux stages J’ai ensuite complété ce diplôme, à mes frais, par un certificat spa en 2015.

 

 

 

 

J’ai travaillé en tant que freelance pendant 1 an dans un spa dans le 8ème arrondissement mais celui-ci a dû fermer et je me suis retrouvée sans emploi.

J’ai alors intégré Aurore en intérim pour travailler avec les personnes migrantes en tant qu’agent hôtelier à Gonesse en 2017 puis au CHU Constantinople, un centre qui hébergeait 55 femmes.

Le chef de service m’a alors proposé de m’embaucher. Mon travail me plaisait et j’étais intéressée mais je ne voulais pas abandonner les soins esthétiques qui me passionnaient. J’ai alors pu bénéficier d’une formation en socio-esthétique financée par Aurore.

Cela a pris un peu de temps pour trouver la formation adéquate car c’est une discipline qui n’est pas encore très répandue.

La socio-esthétique est la pratique spécialisée de soins esthétique adaptés aux personnes fragilisées par le vieillissement, la maladie, en détresse sociale ou ayant subi une atteinte à leur intégrité physique, psychique.

La socio esthéticienne intervient au sein des structures dans le milieu médical, social ou à domicile. Elle travaille avec des équipes pluridisciplinaires et apporte une prise en charge non médicalisée.

En septembre 2019, je suis entrée en formation et ai reçu mon diplôme après 10 mois de cours. J’ai également bénéficié d’une formation complémentaire sur l’estime de soi et sur l’épilation au fil.

Depuis fin juillet 2020, j’organise régulièrement des ateliers auprès des femmes du CHU Maison Marceau mais également au CHU Lumière du Nord, et très bientôt à la maison régionale des femmes – CHU Villiers et au CHU Bergère.

 

Comment sont organisés ces ateliers ?

Je planifie les ateliers dans les différents centres selon mon emploi du temps d’agent hôtelier. Lorsque les chefs de service ont validé ce planning, je l’inscris au tableau d’activités des différents centres. J’essaie d’organiser 1 atelier par mois à Lumière du Nord. Je peux en organiser plus souvent à la Maison Marceau puisque je suis sur place.

Les femmes viennent si elles en ont envie mais je ne peux pas recevoir plus de 5 résidentes en même temps. En effet, ce sont des ateliers collectifs et individuels où je m’adapte à chaque personne présente selon ses besoins.

Chaque atelier a un thème défini à l’avance : l’auto-soin du visage, le modelage, la beauté des pieds, la pause plaisir, la création de cosmétiques maison, le maquillage…

Je prends le temps de bien expliquer les modes opératoires, leur remet des fiches pour qu’elles gardent une trace et je donne des conseils personnalisés et ciblés. Je ne vais pas recommander la même astuce beauté à une femme qui a la peau sèche qu’à une femme qui a la peau grasse !

Elles apprennent, nous faisons les gestes ensemble… Et à la Maison Marceau, elles peuvent revenir me demander mon avis ou des informations régulièrement.

 

Qu’est-ce que ces ateliers apportent aux résidentes ?

Les ateliers collectifs et individuels visent quatre fonctions  essentielles à savoir :

  • Une fonction sociale : mettre en œuvre les outils permettant aux participants de reprendre confiance, facilite la relation à autrui, maintien la communication verbale et non verbale et préservation de l’identité sociale,
  • Une fonction  psychologique qui aide à restaurer l’estime de soi, la confiance en soi, le sentiment d’identité, une bonne image (aide à verbaliser les difficultés et la prise de conscience du schéma corporel,
  • Une fonction éducative pour inciter la personne à devenir actrice de son mieux être, initier aux techniques (auto soin) et orienter vers d’autres professionnels,
  • Une fonction d’accompagnement au travers de l’écoute pour guider la personne vers (réapprovisionnement   miroir pour rompre l’isolement).

C’est un temps privilégié où j’apporte une écoute, où je prends le temps et les considère vraiment en tant que femme et les aide à se sentir mieux dans leur corps. Les soins esthétiques permettent la reconstruction corporelle identitaire par le toucher. Elles apprennent à faire connaissance avec elles-mêmes. Elles se réapproprient leur visage, leur corps.

Cela leur permet de se sentir mieux, dès le premier atelier. Et progressivement, elles font plus attention à elles, elles se respectent davantage. Et au fur et à mesure, elle se font mieux respecter par les autres aussi. Cela développe leur estime et leur confiance en elle.

Je joue aussi un rôle de médiation. Comme nous rentrons dans la sphère du corps, de l’intime, certaines femmes peuvent parfois me faire des confidences. Elles me parlent de sujets qu’elles n’auraient peut-être pas abordés avec d’autres personnes, dans des moments plus « communs ». Cela libère la parole et contribue encore plus à leur bien-être.

 

Et à vous ?

Mettre en œuvre mon savoir-faire et mon savoir, être au service des résidentes favorise mon accomplissement personnel et professionnel. C’est le moteur de mon bien-être. Etre à l’écoute de ces femmes pour leur apporter du mieux-être me remplit d’un bonheur nécessaire à mon équilibre. Mon action vise enfin à faire en sorte que ces résidentes s’acceptent mieux.

J’ai moi-même connu des situations difficiles à mon arrivée en France. Maintenant, c’est moi qui tend la main à ces femmes. Non seulement je les accompagne sur le volet esthétique que j’aime beaucoup mais il y a en plus cette dimension sociale qui apporte de la profondeur à la relation. Cela me rend vraiment heureuse.

Mon vœu le plus cher serait maintenant de rendre à Aurore ce que l’elle m’a apporté. Dans cette perspective, j’aimerais pouvoir pérenniser cette activité de socio esthéticienne au sein de l’association et apporter encore plus de bien-être aux personnes accueillies.