CHRISTINE CHANTE UN OPERA DE BRECHT
LA DECISION DE CHRISTINE
Christine a 52 ans, elle est suivie dans le service d’accompagnement à la vie sociale « Le Logis » depuis 2016. Le logis est un dispositif qui offre à une dizaine de personnes reconnues handicapées par la MDPH, la possibilité de sous louer des studios et de bénéficier d’un accompagnement médico-social.
« J’ai eu un parcours de vie compliqué, et j’ai aussi un problème d’audition » nous dit Christine.
Dès 2019, à l’initiative de Sequenza 9.3 et de la Philharmonie de Paris, plusieurs associations dont Aurore, ont été impliquées dans la préparation de l’opéra didactique participatif LA DECISION1 de Brecht. Trente musiciens et deux cents choristes amateurs, issus d'associations travaillant auprès de publics fragiles, pour montrer ce que Séquenza 9.3 nomme « le monde tel qu’il change ».
Lorsque le projet s’est présenté, à la fois heureuse et intéressée par cette perspective elle s’est portée volontaire. Malheureusement, le COVID et la crise sanitaire ont freiné puis suspendu la dynamique mais dès novembre 2021 les répétitions avec tous les choristes ont pu reprendre.
« Je pensais que c’était un beau projet, c’était un défi, j’ai des difficultés d’élocution mais j’ai réussi à le faire ! »
DE CONSCIENCIEUSES REPETITIONS JUSQU’A L’ULTIME REPRESENTATION
Christine a dû s’engager et se rendre aux répétitions hebdomadaires « Au début c’était difficile, fatiguant mais j’étais motivée. Lors de la répétition générale j’ai eu du mal, je voulais le faire à fond et voir si j’étais capable de chanter dans une autre langue, l’opéra est en allemand ! »
Christine raconte qu’en 2022 le groupe était moins important qu’en 2020, cela lui a semblé plus simple « En 2020 je ne connaissais ni l’allemand ni la partition » mais après le break de la crise sanitaire elle a retrouvé des gens qu’elle connaissait dont le chef de chœur, des repères qui lui semblent importants.
Malgré sa motivation à bien prendre sa place dans le chœur, elle admet avoir eu un peu de difficulté à s’intégrer aux autres groupes « Je suis discrète ».
Les 2 et 3 mai, les répétitions et la Générale ont pas mal stressé les participants « dès le mardi les gens étaient un peu plus à l’aise, le soir du concert, le 4 mai, on était au point ! ».
Ce soir-là, la salle était comble « Il y avait du monde, j’étais contente et fière ; j’avais peur de ne pas y arriver mais j’ai été aidée par quelqu’un, j’avais aussi invité un ami du Logis ».
LA CREATIVITE COMME AXE THERAPEUTIQUE
Lorsqu’elle raconte la soirée de représentation de La Décision, sa voix s’anime, et Christine rapporte son émotion lorsque la conseillère artistique de la Philharmonie qui semblait « ravie de la revoir l’a prise dans ses bras et l’a félicitée, très émue ». Juste après avoir parlé de sa difficulté à créer du lien, cette anecdote est à retenir, révélatrice de l’impact thérapeutique de tels projets sur les personnes en situation de handicap.
Christine envisagerait de renouveler l’expérience si un projet similaire se présentait « J’aime tout ce qui est créatif, le chant, la danse, le théâtre mais aussi le dessin et les activités manuelles » mais en attendant Christine rêve de partir vivre en Bretagne, un départ pour Rennes s’organise !
Sa reconnaissance d’avoir pu participer à cette chorale malgré son handicap est souvent perceptible lors de l’entretien :
« C’est une victoire, je ne pensais pas y arriver et voilà ! »
Véronique ROBINET Educatrice spécialisée au LOGIS et Coordinatrice de projet conclue : « Les projets ouverts à tous quel que soient les profils sont toujours de belles initiatives. C’était un beau projet et j’espère pour Christine comme pour tous les autres, qu’il y aura d’autres projets comme celui-ci, ce sont des projets qui font rêver ! ».
La décision
C’est en 1930 que le dramaturge Bertolt Brecht et le compositeur Hanns Eisler collaborent pour la première fois en écrivant La Décision, une « pièce didactique » participative qui met en scène l’engagement politique. En parlant de « pièce didactique » (Lehrstück en allemand), Brecht avait à l’esprit un type de représentation qui ne se contenterait pas de « montrer le monde tel qu’il est », mais qui montrerait « le monde tel qu’il change (et comment il peut être changé) ». Un théâtre non plus « statique », en somme, mais « dynamique ». Telle est sans doute la raison pour laquelle La Décision n’a cessé d’inquiéter les censeurs du monde entier. Le propre du théâtre brechtien, et en particulier de ses pièces didactiques, est de nous mettre face à des questions complexes sans y apporter de réponse toute faite… Et de pousser le spectateur à réfléchir par lui-même.