Appel solennel de l’association Aurore
Nous, association Aurore, travaillons au quotidien aux côtés des sans-abris marqués par la dureté de la rue, des femmes victimes de violence, des jeunes déscolarisés en perte totale de repères, des personnes handicapées mentales, des exilés que leur parcours migratoire a souvent laissé marqués par la torture, des personnes sans emploi qui pourtant souhaitent travailler, des personnes sous l’emprise d’addictions souvent liées à leur précarité. Chaque jour, nous les accueillons, nous les accompagnons, et chaque jour nous constatons les vertus de politiques publiques de solidarité, à la fois pour les personnes elles-mêmes, et pour la société dans son ensemble.
Pourtant, nous sommes depuis longtemps confrontés à des préjugés, tant envers les personnes que nous accompagnons qu’envers nos propres organisations. Depuis plusieurs années, nous sommes aux premières loges pour voir la montée des peurs, du ressentiment, et du désarroi, qui se traduisent par des oppositions de plus en plus virulentes à l’installation de nos établissements d’accueil. Malgré cela, nous parvenons à accompagner de nombreuses personnes vers le logement, à leur permettre d’accéder au soin, à intégrer par la langue, l’emploi et la citoyenneté de nombreux migrants dont les entreprises françaises ont besoin, à aider des consommateurs de drogue à maîtriser leur consommation et même à l’arrêter durablement, à réinsérer des sortants de prison ou encore à conduire vers l’emploi des personnes marginalisées. Toutes ces politiques publiques contribuent à soigner la société d’aujourd’hui et à prévenir la précarité de demain. Elles sont l’expression de l’humanisme dont notre société est capable et de sa foi dans le progrès.
A l’heure où la radicalité met en lumière les effets de la stigmatisation plutôt que les succès de l’accompagnement social, nous alertons sur les risques que les discours attisant les peurs font peser sur la paix civile. Car il est aujourd’hui plus que jamais impératif de faire primer le dialogue, la compréhension et le respect mutuel face à toute forme de violence, d'intolérance et tout type de discrimination. La sécurité de nos salariés et des personnes que nous accompagnons ne saurait être remise en cause alors que chaque jour nous œuvrons pour créer une société où le collectif prime sur l’individuel.
Nous revendiquons l’importance des politiques de solidarité qui sont en réalité des politiques de prévention pour éviter de fracturer la société. Nous revendiquons l’importance de garantir un accueil inconditionnel et de respecter la dignité de chacun. Nous revendiquons le rôle essentiel du travail social comme un liant indispensable, en ces temps incertains, pour maintenir la cohésion sociale.
Nous alertons chacun sur le risque qu’un regard stigmatisant envers les plus vulnérables fait peser sur la concorde civile et sur l’importance d’exercer son droit de vote.
Il n’y a pas de solution simple et encore moins simpliste à la précarité. Chercher à invisibiliser les personnes, à en faire des bouc-émissaires des maux de la société, ou à les rendre responsables de leurs difficultés, conduit non seulement à privilégier des solutions populistes et inefficaces voire contre-productives, mais surtout à ébranler la devise républicaine, et en particulier le principe de fraternité dont nous avons tant besoin pour assurer la cohésion et le respect entre les uns et les autres.
Nous rappelons solennellement notre attachement au projet d’une société fraternelle et solidaire.