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La clinique de l'abstinence dans le parcours de soin

De quoi parle-t-on lorsqu’il est question d’abstinence ? C’est le thème sur lequel ont phosphoré cinquante usagers et professionnels de quatre dispositifs d’Aurore et de deux partenaires historiques de l’association. Un débat s’est déroulé tout au long de la journée du 24 novembre 2021. La place de l’abstinence dans le parcours de soin et de rétablissement, l’intérêt de proposer l’expérience d’une fenêtre d’abstinence, la question des traitements médicamenteux face aux demandes d’abstinence… loin des stéréotypes, les réflexions issues des expériences vécues et des positionnements professionnels ont permis à l’ensemble des participants d’exposer différentes approches des addictions.

Etablir une réflexion commune

Dans son discours d’ouverture, Florian Guyot, directeur général de l’association, précise la portée d’un tel travail : « C’est une journée importante, parce que se réunir pour élaborer ensemble autour de pratiques, et essayer de co-construire, de capitaliser, est quelque chose auquel je tiens beaucoup ». L’association Aurore, comme l’ensemble de la société, est de plus en plus confrontées aux enjeux des addictions. De la consommation de crack dans les espaces publics aux nouvelles pratiques comme le « chemsex », les consommations excessives ont un impact lourd sur les consommateurs, notamment sur leur situation sociale et psychologique.
L’association Aurore, experte sur ces questions depuis plusieurs décennies, propose différentes approches. Les dispositifs s’adaptent aux situation et aux spécificités des publics. Sans chercher à opposer les méthodes, s’arrêter le temps d’une journée sur la clinique de l’abstinence, était pour le moins nécessaire.
Le SSR La Maison de Kate », le CSAPA « Revivre, l’amitié sans alcool, les communautés thérapeutiques « Maison André le Gorrec » et « d’Aubervilliers » mais également l’Espoir du Val d’Oise et le Centre de Psychothérapie d’Osny… Six dispositifs présentant six façons très complémentaires de travailler l’abstinence comme outils d’accompagnement thérapeutique.

 

Concrètement, quel travail autour de l’abstinence ?

La « fenêtre d’abstinence » proposée aux patients, implique un travail complet autour de la capacité de changement et de la créativité. L’abstinence est un préalable et non une fin en soi et sert de socle à la mise en place « d’autre chose ».
Le groupe, l’entraide, l’exemplarité des plus anciens, le travail sur les émotions, la prévention de la rechute, la prise de conscience de dépendances autres que celles aux produits, tout ceci fait émerger chez l’usager des changements de comportements, qui eux-mêmes, permettent de mettre à distance la consommation.
Ainsi, notre vision de la dépendance influence les approches, est-ce une « maladie » de type allergique dont le seul remède est l’abstinence pour échapper à une issue fatale, ou peut -elle être guérie à un moment donné et ainsi permettre aux patients de contrôler leur consommation ? Le concept de maladie implique l’existence de symptômes, que faire du manque, du vide, de la souffrance, de l’obsession et de la compulsion, de la frustration, de la peur, de l’inconfort, de la dépression, de la souffrance etc… « Savoir que c’est une maladie permet de comprendre les compulsions, les comportements et de pouvoir agir dessus, mais aussi de déculpabiliser ». Tous s’accordent à dire qu’un travail sur le changement des comportements est nécessaire et que cela passe par l’entraide et le groupe, dénominateurs communs des six services présents « L’abstinence, c’est la construction d’un état d’esprit » indique un usager dans la salle.

 « L’abstinence, c’est le moyen d’accéder à quelque chose d’autre. Mais tout le monde ne peut pas y arriver ! » 

 

Conférence inversée et tables rondes : une journée en deux temps

L’objectif de cette journée était bien de permettre à chacun, usagers autant que professionnels, de participer à un échange, le travail collaboratif s’est tout de suite engagé dans la matinée à travers une conférence inversée. « La trajectoire de l’abstinence est différente selon les structures. C’est un parcours individuel mais avec une proposition d’accompagnement par une équipe pluridisciplinaire et avec groupe de partage et de transmission ».
A la question « que vous évoque le mot abstinence ? », posée par Jean Maxence Granier en ouverture, les réponses fusent : « deuil », « privation », « choix », « renoncement », « souffrance » mais aussi « espoir », « liberté », « changement », « résilience », « découverte ».

L’après-midi, les participants étaient réunis autour de 4 tables rondes : l’approche groupale et communautaire, le suivi individuel, la rechute et sa prévention et la gestion des traitements. Après une matinée de réflexion à large spectre, il s’agissait de concentrer la focale sur des enjeux de terrains et de pratiques. Les échanges, très riches là encore, ont permis de montrer l’impact de l’abstinence dans les démarches de soin.

Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et ancien président de la Fédération Addiction et Jean-Maxence Granier, ont pu faire la synthèse des échanges dans un dialogue improvisé. C’est surtout la notion de lien qui ressortira de leur échange. Comme si l’abstinence permettait de structurer les approches, individuelles comme groupales autour d’un « terrain commun clairement défini, avec un groupe et une équipe ».

 

Remettre l’usager au centre

Placer les usagers au centre des démarches d’accompagnement est probablement ce qui ressort en premier de cette journée, dont les actes seront bientôt disponibles. « Pour conclure le plus important est de remettre le patient au centre, de savoir ce que la personne veut, et de ne pas essayer de la faire rentrer dans un modèle » nous dit Alexandra Roy, counsellor au Centre de Psychothérapie d’Osny.
Comme de nombreux intervenants l’ont rappelé à plusieurs reprises : le soin est un processus, dont le travail en équipe et le groupe sont des ciments essentiels.

La pluralité des approches est donc une nécessité absolue. La connaissance de ces démarches et les échanges entre les professionnels constituent une pierre angulaire pour l’association Aurore, dont l’inconditionnalité de l’accueil est le pilier fondamental. Léon Gomberoff, référent métier « Addictions » et directeur d’activités au CSAPA Ego, le rappelle fort justement : l’association Aurore doit être en mesure de proposer des fenêtres d’abstinences pour l’ensemble des usagers qui en font la demande, quand bien mêmes ces demandes nécessitent des réponses très différentes.

En 2022, la réflexion se poursuivra en collaboration avec la Fédération Addiction autour d’un colloque.


« Le meilleur tranquillisant est un bon sentiment d’appartenance » Boris Cyrulnik