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©Axel Dahl

Counselling/pair-aidance et approches communautaires, ces pratiques se structurent au sein d'Aurore

Ancienne cheffe de service de La Maison de Kate, puis de la Communauté Thérapeutique d’Aubervilliers, et après 30 ans d'accompagnement des personnes dépendantes à l’alcool, aux médicaments et aux drogues, Susie Longbottom est désormais déléguée métiers counselling/pair-aidance et approches communautaires ; elle va s’employer à développer ces méthodes d’accompagnement et/ou de soin dans les services de l’association.

Aux origines du counselling en France

C’est sa rencontre avec Kate Barry au début des années 90 qui a conduit Susie à développer le counselling au centre Apte, tout juste créé à Soissons – et qui deviendra plus tard le CSAPA La Maison de Kate, géré par Aurore.

Le counselling et les communautés thérapeutiques ont leurs origines aux Etats-Unis, dès les années 50, avec le modèle Minnesota. En France, la Maison de Kate a été la première structure à mettre en œuvre cette approche.
Aujourd’hui, le counselling est pratiqué dans 5 dispositifs : La Maison de Kate, la Communauté thérapeutique d’Aubervilliers, la Maison d’André Le Gorrec à Brantôme, le Centre de psychothérapie d’Osny et l’association EDVO (Espoir du Val-d’Oise). Toutes les personnes qui pratiquent le counselling dans ces structures ont été formées par Susie. Celle-ci a développé au fil des années une formation « maison » qu’elle travaille depuis de nombreux mois, avec le CNAM, à faire évoluer en formation certifiante.

« Elle permettrait d’évoluer ultérieurement vers un diplôme de counselling aux addictions, de niveau master – qui reste lui aussi à créer. L’objectif, c’est que les gens aient un vrai titre, une fonction reconnue. Mais c’est un long processus ».

 

Qu’est-ce que le counselling ?

C’est une relation d’aide brève et intensive, centrée sur un problème et ses solutions, non sur ses origines, et qui a pour objectif de soigner les gens. Le counsellor accompagne l’abstinence, pour faire émerger chez l’usager le désir de changer. L’abstinence est alors un moyen, pas un but, et le counselling va l’aider à prendre conscience de son potentiel d’évolution.

Le counselling est souvent pratiqué par des personnes qui ont vécu la dépendance et qui, combinant à la fois leur expérience personnelle et des formations (DU Addicto, Approches systémiques, Approches groupales), se professionnalisent dans l’accompagnement. Elles font partie de l’équipe de soin.

 

Et la pair-aidance ?

Selon le secteur où elle s’exerce, la pair-aidance n’a pas toujours le soin pour objectif. C’est une pratique qui vise à faire cheminer les personnes dans une réflexion sur leur situation, dans le but d’aller vers une amélioration.

La relation de pair-aidance s’appuie sur la résonnance entre deux personnes.  Le pair-aidant a vécu un problème (rue, addiction, violences, …) sur lequel il a pris du recul. En trouvant ses propres solutions, il a amélioré ses conditions de vie.

Différents ateliers vont lui permettre d’établir un lien de confiance avec des personnes vivant les mêmes problématiques, pour progressivement réfléchir avec elles à leur situation, leur apporter de l’écoute, du soutien, de l’espoir.

« S’il est amené à parler de lui et des situations qu’il a vécues, le pair-aidant intervient avec la posture de quelqu’un qui connaît bien l’histoire, qui est à l’aise avec le sujet, qui sait de quoi on parle. S’il est du même sexe et de la même génération que les personnes, la résonnance est d’autant plus importante ».

 

Qui peut être travailleur pair ?

Les actuels travailleurs pairs chez Aurore sont d’anciens usagers des dispositifs addicto. Très régulièrement d’ailleurs, des sortants de communautés thérapeutiques choisissent de s’orienter professionnellement vers la relation d’aide. Ils interviennent aujourd’hui chez Aurore dans des services addicto, auprès de MNA, de jeunes, de femmes, ainsi que, dans le cadre du Contrat d’Engagement Jeunes, dans des missions locales et auprès de la section 16-18 de l’AFPA.

 « L’entraide communautaire sur laquelle ils ont pu compter, ils veulent la mettre en œuvre à leur tour. Ils ont vécu un rétablissement grâce au travail de groupe, ils ont vu qu’ils pouvaient aider les nouveaux aussi et veulent continuer : en aidant quelqu’un, ils se sentent mieux, eux aussi. »

Il est possible d’avoir des travailleurs pairs dans tous les services d’Aurore. Pour l’instant, l’équipe compte une vingtaine de personnes, mais une autre des missions de Susie est de la développer et de généraliser leur travail partout où le besoin est exprimé.

 « Nous n’en sommes qu’au début. On commence tout juste à communiquer sur cette possibilité au sein d’Aurore. Si intégrer un travailleur pair dans une équipe, c’est aussi une façon de concevoir la réinsertion d’un ancien usager, ainsi que l’opportunité d’ajouter une plus-value, un enrichissement expérientiel à la prise en charge par une équipe ».

Les seuls prérequis sont d’avoir réfléchi à son parcours, d’avoir pris un peu de distance sur ses problématiques et d’avoir envie d’aider.

 

L’accompagnement à la professionnalisation

Lorsque les personnes sont rémunérées pour ces interventions, Susie préfère parler de « travailleurs pairs » plutôt que de « pairs-aidants ». Mais elle déplore qu’aucun statut ne vienne pour l’instant formaliser leurs connaissances et leurs compétences, même s’il existe des formations professionnelles pour ce type d’accompagnement.

« Par conséquent, ma mission consiste aussi à accompagner les travailleurs pairs vers une formation et un diplôme de moniteur-éducateur puis, quand ils veulent se professionnaliser davantage, de counselling. Ils peuvent aussi vouloir prendre le statut d’auto-entrepreneur, et intervenir ponctuellement dans des services : notre petite équipe les conseille alors dans les démarches. »

 

Un groupe métier et des outils en développement

Le travail de groupe, l’expérience partagée et le soutien qui s’opère entre les personnes autour d’une problématique sont les dénominateurs communs des différentes approches d’accompagnement – avec, au cœur des actions, l’entraide.

Susie réunit le groupe tous les mois ; l’analyse des pratiques y est fondamentale à plus d’un titre.
Si les travailleurs pairs s’appuient sur leur expérience pour amener les personnes accompagnées à réfléchir à leur propre situation, il est nécessaire qu’ils trouvent un point d’équilibre entre le récit de leur propre histoire et la problématique de chaque personne.

« Le travailleur pair doit réfléchir à la façon dont il communique sur sa propre histoire ; il lui faut mettre en avant des éléments d’identification. Il y a un équilibre à trouver, et c’est en parlant qu’on l’appréhende. C’est important si on veut une adhésion, des échanges et de la confiance avec les personnes. »

Le groupe métier est ouvert à tous, même aux travailleurs pairs salariés par d’autres associations, ainsi qu’à tous les salariés d’Aurore qui s’intéressent au sujet. La réflexion collégiale est nécessaire pour développer les actions au plus près des besoins des équipes et des personnes accompagnées.

"Je fais par ailleurs beaucoup de sessions de formation ou de sensibilisation pour d’anciens résidents désireux de devenir travailleurs pairs, mais aussi dans les services qui souhaitent recevoir un travailleur pair, notamment sur la de la place dans l’équipe, et enfin aux salariés d’Aurore et d’autres associations sur l’animation d’un groupe avec des visées éducatives ou thérapeutiques. Il s’agit de développer auprès des équipes une technicité autour de l’entraide : comment insuffler parmi les résidents une culture de l’entraide et du soutien ? Mon expérience du counselling est directement déployée dans cette formation, qui est dans le catalogue des formations d’Aurore "

En fonction de leurs sensibilités, les travailleurs pairs peuvent proposent d’intervenir auprès de femmes ou d’hommes isolés, ou encore de faire la prévention auprès de jeunes, tout est ouvert.

Les outils d’entrée en matière sont à chaque fois à imaginer : quel va être le meilleur média ? Du théâtre ? De la danse, une sortie, des jeux de société, un groupe de parole ?

« Nous menons notamment des actions qui ciblent tout particulièrement les jeunes. Nous réfléchissons à chaque fois aux meilleurs outils pour faire de la prévention de manière ludique, tout en nous appuyant sur nos propres vécus.

Mais pour tout cela, il faut un peu d’argent. Je cherche aussi des financements. »

 

 

« Si un ancien résident d’un service d’Aurore envisage de se lancer dans la pair-aidance, d’investir la relation d’aide en partageant son expérience, il peut me contacter pour que nous en parlions : s.longbottom@aurore.asso.fr ».